Alors que la Première nation des Chippewas de Kettle et de Stony Point devient la première Première nation de l’Ontario à mettre en œuvre l’imposition foncière sous le régime de la LGF, la Commission jette un regard en arrière sur l’évolution des pouvoirs d’imposition foncière pour les Premières nations de l’Ontario, afin de mieux comprendre l’histoire de l’imposition foncière des Premières nations dans cette province.

Avant les années 1970, les municipalités de l’Ontario pouvaient percevoir et percevaient des impôts sur les propriétés à bail dans les réserves. À cette époque, la Loi sur l’évaluation de l’Ontario (L.R.O. 1960) exemptait les propriétés détenues en fiducie pour une tribu ou une groupe d’Indiens, mais pas si elles étaient occupées par une personne qui n’était pas membre d’une bande ou d’un groupe d’Indiens. Autrement dit, la Loi sur l’évaluation de l’Ontario de l’époque prévoyait l’évaluation aux fins d’imposition des terrains occupés par des locataires non indiens dans les réserves, comme si ces terrains étaient possédés et détenus par toute autre personne. Par conséquent, les municipalités percevaient des impôts fonciers dans les réserves, mais, dans pratiquement tous les cas, fournissaient très peu, voire pas du tout de services dans les réserves en retour.

En 1968 et en 1969, les chefs de Curve Lake, de Christian Island, de Walpole Island, des Chippewas de Sarnia, de Kettle et de Stony Point et de Georgina Island ont mis sur pied un comité de griefs sur l’imposition des Indiens, et ont rencontré les représentants du ministère des Affaires municipales de l’Ontario.
La position des chefs était qu’ils ne pouvaient pas engager toutes les Premières nations de l’Ontario à appuyer une initiative pour retirer les dispositions sur l’imposition dans les réserves, mais que le retrait des terres de réserve de l’imposition municipale pouvait devenir une option facultative, et que, grâce à cette modification, les impôts versés précédemment aux municipalités par les locataires sur les terres de réserves pourraient être versés aux Premières nations, afin d’assurer la prestation des services nécessaires manquant antérieurement dans les réserves.

Ces discussions ont amené le gouvernement de l’Ontario à examiner ses pratiques d’imposition et, au final, à décider de mettre fin à l’évaluation et, du même coup, à l’imposition des intérêts immobiliers situés dans les réserves. Le projet de loi 107, Loi modifiant la Loi sur l’évaluation foncière, a été adopté par l’assemblée législative de l’Ontario et est devenu loi le 18 mai 1973. Dans les faits, le projet de loi 107 a abrogé les pouvoirs d’imposition municipaux liés aux terres des Premières nations et, en matière d’imposition foncière, a laissé le champ ouvert aux Premières nations pour exercer leur compétence en vertu de la Loi sur les Indiens.

L’année dernière, la CFPN a commandé un rapport pour examiner les circonstances dans lesquelles la province de l’Ontario avait décidé de renoncer à la compétence fiscale sur les terres de réserve. Un aspect du rapport consistait à déterminer si les motifs de cette décision étaient à l’origine de la réticence de certaines Premières nations de l’Ontario à prendre part à l’imposition foncière aujourd’hui. L’auteur du rapport, Paul Salembier, est un ancien avocat général du ministère de la Justice Canada qui a fourni des conseils sur les questions législatives et réglementaires touchant les Premières nations.

Dans le rapport, il est constaté qu’en 1973, en Ontario, le problème fondamental était la déconnexion entre la perception des impôts fonciers auprès des Indiens non inscrits détenteurs d’intérêts sur les terres de réserve autochtones et la non prestation de services locaux par les municipalités et les provinces à ces contribuables.

Le rapport n’a pas établi de lien direct entre les modifications de 1973 et toute réticence actuelle des Premières nations de l’Ontario à l’égard de l’imposition foncière, mais il est clair que les Premières nations, qui, en 1968, avaient mis sur pied le comité de griefs sur l’imposition des Indiens, s’opposaient à ce que les municipalités perçoivent des impôts sur les terres de réserve sans fournir de services.